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Tout savoir sur le marégraphe de Marseille :
- lire l'
- consulter la plaquette officielle "Marégraphe de Marseille" (pdf de 1 Mo)
- visiter le marégraphe, en contactant les Amis du Marégraphe de Marseille
NB : les dates des visites sont proposées par l'IGN
- visiter virtuellement le marégraphe sur le site de l'IGN
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Un marégraphe est un instrument permettant de mesurer et d’enregistrer en continu le niveau de la mer à un endroit donné.
Les premiers marégraphes ont été des marégraphes à flotteur. Ce flotteur suit les variations de l’eau dans un puits en communication avec la mer. Ses mouvements verticaux sont transmis à une poulie par l’intermédiaire d’un fil métallique tendu par un contrepoids puis, au moyen d’un système de pignons, à un organe scripteur (crayon, plume ou pointe) qui se déplace sur un papier enroulé sur un cylindre mû par une horloge. On obtient ainsi une courbe traduisant, à l’échelle de réduction choisie, les variations avec le temps de la hauteur du flotteur. En France, c’est l’ingénieur hydrographe Rémi Chazallon qui aurait mis au point en 1842 le premier appareil opérationnel de ce type.
L’implantation d’un marégraphe est généralement liée à des activités maritimes et la plupart des marégraphes français sont aujourd’hui gérés par le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM). Mais l’ensemble immobilier du marégraphe de Marseille a la particularité d’avoir été attribué à l’Institut de l'information géographique et forestière par un arrêté du 6 janvier 1993. Pour comprendre cette particularité, il faut remonter à la fin du XIXème siècle…
Diplôme de l'OMM
La Commission centrale du Nivellement Général de la France est instituée en 1878. En juillet 1879, elle demande l’installation à Marseille d’un marégraphe, dont les relevés doivent permettre la détermination exacte du niveau moyen de la mer dans ce port et l’établissement dans cette même ville du repère fondamental du futur réseau de nivellement.
Qu’est-ce qu’un repère fondamental et à quoi sert-il ? Le niveau moyen de la mer une fois déterminé, il faut le repérer par un point matériel, par rapport auquel sera définie la surface de niveau zéro. Le repère fondamental est ce repère de nivellement, choisi comme étant le plus stable possible, dont l’altitude est fixée conventionnellement et qui sert de point de départ aux calculs de toutes les altitudes d’un réseau de nivellement.
Les bâtiments du Marégraphe de Marseille sont construits en 1883 à moins de trois kilomètres de l’échelle de marée utilisée par Bourdalouë, le long de la toute nouvelle promenade de la Corniche, une des plus élégantes de la cité phocéenne. L’ensemble immobilier comprend deux bâtiments principaux : un solide refuge pour l’appareil marégraphique et une maison d’habitation destinée à héberger le gardien des lieux. La chambre souterraine du premier édifice abrite, dans des conditions particulièrement favorables de stabilité et de conservation, le repère fondamental du futur Nivellement Général de la France. Ce repère est constitué par un rivet en bronze dont la calotte supérieure est faite en un alliage très dur de platine et d’iridium. Ce rivet est scellé dans un bloc cylindrique de granit, lui-même incrusté dans le rocher compact qui forme le promontoire sur lequel le Marégraphe est construit.
Sur proposition de Charles Lallemand, le choix de l’instrument s’est porté sur un type de marégraphe que l’ingénieur civil hambourgeois Reitz avait déjà installé sur l’île d’Helgoland (mer du Nord) et dans le port de Cadix (Océan Atlantique).
Avant l’invention de F. H. Reitz, le niveau moyen calculé sur une période de temps pouvait être déterminé, soit par un lourd calcul arithmétique, soit en mesurant sur les marégrammes (diagrammes fournis par les marégraphes), au moyen d’un planimètre, l’aire formée par la courbe de marée, l’axe des temps et les deux droites figurant les bornes de la période considérée. De cette dernière façon, le résultat était obtenu beaucoup plus rapidement mais manquait un peu de précision. Le marégraphe totalisateur mis au point par F. H. Reitz remplaçait tout ce travail par une simple division de deux chiffres fournis par l’instrument et dont l’un était proportionnel au temps écoulé. Et comme, dans l’appareil nouveau, la détermination du niveau moyen se faisait automatiquement, sans l’aide d’aucun diagramme, on obtenait par cette méthode directe une précision extraordinaire, bien supérieure à celle qui était obtenue avec un planimètre.
La mise au point du Marégraphe de Marseille, appareil plus élaboré que ses homologues d’Helgoland et de Cadix, est le fruit d’un long échange de vues entre Monsieur Reitz et Charles Lallemand. Le marégraphe est ensuite construit par la maison Dennert & Pape, installée dans la coquette ville d’Altona, dans la banlieue de Hambourg. Le marégraphe commence à fonctionner au début du mois de février 1885.
A la fin de l’année 1896, alors que les observations du réseau de nivellement de base se terminaient, il devenait urgent de fixer un niveau de référence. On a alors constaté que le diagramme figurant le niveau moyen de la mer à Marseille depuis l’origine des mesures (1er février 1885) était une hyperbole qui tendait vers un niveau situé à 71 millimètres au-dessous du zéro du nivellement Bourdalouë. Charles Lallemand, devenu Directeur du Service du Nivellement général de la France institué en 1891, a donc décidé d’adopter cette limite comme nouveau zéro des altitudes du réseau de nivellement continental français. Il est à noter que cette origine est purement conventionnelle et pratique, on aurait pu choisir un autre lieu ou une autre période et le résultat aurait pu être sensiblement différent. En Corse, l’origine des altitudes a été fixée à l’issue d’observations de la marée réalisées à Ajaccio de 1912 à 1937.
Le Marégraphe de Marseille a été édifié pour durer : il suffit d’apprécier le volume total de l’édifice et la qualité de sa construction pour s’en persuader ! Il ne s’agissait pas seulement d’établir un observatoire pour définir le zéro du nivellement national (opération réalisée après quelques années d’observations). Le Marégraphe de Marseille a aussi été conçu pour étudier les variations du niveau moyen de la mer avec le temps. Sans doute les ingénieurs français caressaient-ils aussi le secret espoir que cet observatoire servirait à l’établissement d’un zéro unique d’un nivellement européen. A partir de 1897, les observations du niveau de la mer se sont donc régulièrement poursuivies, grâce à de nombreux instruments installés sur le site (médimarémètres et marégraphes divers). En 1940, le Service du Nivellement Général de la France a été rattaché à l’Institut de l'information géographique et forestière. Dans les années 1960, le réseau NGF-Lallemand s’étant dégradé, l’IGN a décidé de le réfectionner, en conservant son origine. Le réseau de base étant terminé en 1969, le nouveau réseau a été baptisé NGF/IGN69. Le type d’altitude du réseau NGF/IGN69 étant différent du type d’altitude adopté par Charles Lallemand (le type d’altitude résulte du choix de la formule de calcul des altitudes, prenant en compte ou non la pesanteur), l’altitude du repère fondamental, arrêtée en 1897 à 1,660 m (altitude dite orthométrique) dans le système d’altitude NGF/Lallemand est devenu 1,661 m dans le système NGF/IGN69 (altitude dite normale).
En 1988, le dernier gardien du Marégraphe de Marseille a définitivement quitté la Corniche et l’IGN a décidé de se passer de l’enregistrement graphique de la courbe de marée et de se contenter de relevés hebdomadaires réalisés par un agent du centre IGN d’Aix-en-Provence. Voici, très brièvement résumée, la riche histoire du Marégraphe de Marseille. En 2002, jugeant que la conservation de cet édifice présentait un intérêt public, le Ministère de la Culture à classé l’ensemble immobilier et l’appareil Reitz parmi les monuments historiques. En 2006 et 2007, l’IGN a entrepris d’importants travaux de rénovation de ces bâtiments.
Le Marégraphe de Marseille n’est pas seulement un lieu chargé d’histoire, c’est aussi une station de surveillance de haute qualité, équipée d’appareils modernes qui en font un observatoire essentiel des programmes actuels d’observation du niveau des mers.
La sauvegarde des données fournies par les diagrammes (courbes des hauteurs d’eau en fonction du temps) fournies par le Marégraphe totalisateur de Marseille entre 1885 et 1988 (dont le papier se détériore avec le temps) et l’exploitation de ces données par des moyens informatiques nécessitaient leur conversion sous un format compatible avec les ordinateurs. Ce travail colossal de numérisation de 1200 marégrammes a été effectué entre 1996 et 2001, grâce à une action concertée de l’IGN et du SHOM.
La série temporelle de mesures fournie par le Marégraphe de Marseille est, avec celle de Brest, l’une des plus longues dans le monde. De ce fait, le marégraphe de Marseille a attiré l’attention de la Commission Océanographique Intergouvernementale (COI) de l’UNESCO, qui assure depuis 1985 la coordination des efforts nationaux en vue de mettre en place un réseau mondial permanent d’observatoires du niveau de la mer, connu sous le nom de Global Sea Level Observing System (GLOSS). Ce réseau est composé d’environ trois cents marégraphes, formant l’ossature autour de laquelle se rattachent les projets plus denses, régionaux ou nationaux.
Parmi ceux-ci, figure le Réseau d’Observatoires du Niveau de la Mer (RONIM), que le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) a mis en place sur l’ensemble des côtes françaises à partir de 1992. Le RONIM gère les mesures de Marégraphes Côtiers Numériques (MCN) et des sonars.
Grâce aux efforts conjugués de l’IGN et du SHOM, l’observatoire de Marseille est équipé d’un MCN moderne et performant qui comprend notamment un télémètre à émission radar et une centrale d’acquisition numérique. La centrale permet de recueillir les mesures de hauteur de niveau de la mer à une période d’échantillonnage inférieure ou égale à 10 minutes. Son fonctionnement est permanent. La précision des mesures est meilleure que 2 cm à 99,5 %.
Sur proposition du Conseil National Français de Géodésie et de Géophysique (CNFGG), et de manière à mieux répondre aux spécifications internationales en vigueur, l’IGN a donc, en juillet 1998, équipé l’observatoire de Marseille d’un marégraphe numérique (ce premier marégraphe numérique a été remplacé par un instrument plus moderne en avril 2009). Jusqu’en 1998, les moyennes mensuelles et annuelles collectées par le Permanent Service for Mean Sea Level (PSMSL), service scientifique international créé en 1933, étaient établies à partir des données fournies par le marégraphe installé en 1885. Depuis 1998, les données transmises au PSMSL sont donc celles du MCN. L’ancien marégraphe de 1885 n’en est pas pour autant mis à la retraite. Il est toujours entretenu et, comme le marégraphe numérique, fait l’objet d’un étalonnage annuel. Des mesures hebdomadaires y sont constamment effectuées, en parallèle des mesures faites par le marégraphe numérique.
Les niveaux moyens historiques (journaliers, mensuels et annuels) peuvent être téléchargés à partir du site internet du Système d’observation du niveau des eaux littorales SONEL coordonné depuis l’université de La Rochelle. Les données produites par le marégraphe numérique de Marseille peuvent être téléchargées à partir du portail data.shom.fr qui permet plus généralement l’accès à toute l’information géographique, maritime et littorale de référence.
Les techniques spatiales de positionnement précis, telles que celles offertes par les GNSS (Global Navigation Satellite Systems), constituent aujourd’hui un outil qui permet un positionnement tridimensionnel dans un système de référence mondial lié à la Terre. Le GPS (Global Positioning System) et son équivalent russe GLONASS (GLObalnaïa NAvigatsionaïa Spoutnikovaïa Sistema) ont été les premiers systèmes en exploitation ; ils seront bientôt complétés par le système européen Galileo.
Dans sa proposition évoquée ci-dessus, le CNFGG proposait aussi d’équiper le Marégraphe de Marseille d’un récepteur GPS permanent, permettant la surveillance en continu par les techniques de géodésie spatiale des mouvements du marégraphe. Notre globe est en effet maintenant couvert par des réseaux internationaux de stations fixes et permanentes dont les données sont mises à la disposition de la communauté scientifique. Sur le territoire français, dans le cadre de sa mission de service public, l’IGN fédère l’installation et la gestion d’un Réseau GNSS permanent (RGP).
Grâce aux données du RGP, les géodésiens et les hydrographes espèrent, par exemple, pouvoir distinguer dans le signal marégraphique les mouvements de la croûte terrestre des variations du niveau moyen de la mer, et d’autre part, comparer les résultats obtenus pour divers marégraphes, même très éloignés, puisque leurs coordonnées sont exprimées dans le même système global de référence.
Une station GNSS permanente, désignée par l’acronyme MARS et intégrée au réseau européen EUREF Permanent Network (EPN), est donc installée depuis le 1er août 1998 au Marégraphe de Marseille. Elle reçoit aujourd’hui les données des deux constellations GPS et GLONASS.
La théorie du nivellement est fondée sur la notion de surfaces équipotentielles du champ de pesanteur terrestre et l’altitude d’un point est définie comme la coordonnée par laquelle on exprime l’écart vertical de ce point à une surface de référence proche du géoïde. Pour améliorer la connaissance du géoïde, l’IGN a entrepris, depuis 2000, des mesures de gravimétrie (technique de mesure de l’intensité de la pesanteur) sur tous les sites du réseau matérialisé de géodésie appelé Réseau de Base Français (RBF). L’observatoire de Marseille, qui constitue un des 23 sites du Réseau de Référence Français (RRF), formant l’ossature de ce RBF, abrite donc plusieurs points où l’on mesure l’intensité de la pesanteur.
Grâce à la complémentarité de ces équipements (station RGP, points de mesure de l’intensité de la pesanteur, marégraphe numérique, points de nivellement), l’observatoire de Marseille est un élément essentiel de la contribution française au réseau européen ECGN (European Combined Geodetic Network).
Les observations continues effectuées à Marseille depuis 1885 ont montré que l’écart entre le niveau moyen de la mer et le repère fondamental du réseau de nivellement français allait en diminuant. Ceci pouvait être interprété de plusieurs façons : soit cette diminution mettait en évidence un exhaussement du niveau de la mer, soit elle montrait un tassement du Marégraphe de Marseille ou de son substrat, soit encore elle était due à une combinaison des deux phénomènes.
Les bâtiments du Marégraphe étant établis sur des rochers offrant a priori de bonnes garanties de stabilité, et les différents nivellements exécutés au cours des ans n’ayant montré aucun mouvement local, de nombreux auteurs avaient déjà conclu à un exhaussement du niveau de la mer.
Les moyens modernes d’observation confirment cette hypothèse. Les dix années d’observation GPS permanentes permettent d’abord d’écarter l’hypothèse d’un tassement du Marégraphe de Marseille ou du socle sur lequel il est construit entre 1998 et aujourd’hui. Des nivellements d’ampleur régionale (plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de kilomètres) apportent aussi de nouveaux éléments de réflexion.
Les résultats les plus récents permettent d’estimer à 18 cm la hausse du niveau moyen de la mer à Marseille depuis la fin du dix-neuvième siècle. Ils permettent également d’estimer la dénivelée entre le niveau moyen de la Méditerranée et le niveau moyen océanique : la surface méditerranéenne serait (du moins à Marseille) environ 15 cm plus basse que la surface océanique.
Mis à jour le 4/11/2024